À la fin de la République, la ville de Rome souffre d'une grave lacune administrative due à ses traditions constitutionnelles : il n'y a pas de fonctionnaires spécialisés chargés, en marge des organes d'État, d'administrer la ville.
La solution adoptée par le pouvoir est un compromis tenant compte à la fois des traditions du passé et des nécessités du moment. Les anciens pouvoirs (Sénat et magistrats : consuls, prêteurs, tribuns, édiles, la censure ayant diparu dans sa forme classique) conservent leurs attributions urbaines antérieures. Mais à côté d'eux, l'empereur crée une série de fonctionnaires à compétence urbaine, les uns préfets individuels (Ville, annone, vigiles, routes), les autres (curatelles des eaux, des édifices publics, du lit et des rives du Tibre) de forme collégiale.
Figure 1 : Les magistratures de la République
Titre
Durée
Élus par
Fonction
Consuls
1 an
Comices centuriates
Pouvoir suprême : deux magistrats nommés par le populus et ratifiés par le Sénat. Ils convoquent et président le Sénat, les Comices curiates et centuriates, lèvent et commandent les armées, donnent leur nom à l'année de leur mandat.
Préteurs
1 an
Comices centuriates
Justice : le préteur urbain est chargés des affaires des citoyens et le préteur pérégrin, des affaires juridiques des étrangers. En l'absence des consuls, ils peuvent exercer leurs pouvoirs.
Édiles
1 an
Curules : Comices tributes; plébéiens : Conciles plébéiens.
Administration municipale : police, police, jeux publics, approvisionnement. Les édiles plébéiens sont inviolables.
Questeurs
1 an
Comices tributes
Finances : gardiens du trésor, ils sont les payeurs aux armées et les trésoriers des provinces.
Tribuns de la plèbe
1 an
Comices plébéiens
Ils convoquent les Conciles plébéiens et les Comices tributes. Ils ont un droit de veto contre tous les magistrats cum imperio, sauf le dictateur. Ils sont inviolables.
Censeurs
18 mois au plus
Comices centuriates
Élus tous les cinq ans parmi les anciens consuls, ils font le cens : recensement quinquennal et classification d'après le chiffre de fortune. Ils recrutent le Sénat, surveillent les moeurs et procèdent aux adjudications. Ils sont inviolabls.
Il n'y a pas de fonctionnaire permanent, qui aurait été l'équivalent des maires d'arrondissement du Paris actuel. Des magistrats annuels (préteurs, tribuns de la plèbe et édiles) tirent au sort les quatorze régions. Les élus sont placés à la tête des régions, tout en conservant leur titre et leurs fonctions générales.
La ville de Rome continue donc à être administrée dans ses régions selon le mode traditionnel par les magistrats annuels et le Sénat, manière de respecter les privilèges du Sénat et du peuple romain en matière d'administration générale de la ville.
Les chefs de régions ont des fonctions à la fois administratives et religieuses :
D'une part, ils exercent la surveillance générale de la région à laquelle ils sont affectés; ils donnent aux vicomagistri l'autorisation de bâtir des chapelles dans les vici de leur ressort et contrôlent leur construction.
D'autre part, ils s'acquittent de sacrifices déterminés concernant leur région.
Cette tentative de créer, à côté des organes de centralisation, des organes locaux pour l'administration de la ville, fut un échec complet. Les magistrats en poste n'avaient aucun titre spécial, et trop de souvenirs d'un passé brillant et d'une activité efficace s'attachaient à leurs charges traditionnelles pour qu'ils puissent prendre bien au sérieux des fonctions de simple police ou de modeste administration dans un domaine aussi restreint.
Aussi devaient-ils avoir tendance à considérer leur charge régionale comme purement honorifique et à ne regarder que de très haut les affaires de la région que le sort leur avait attribuée. D'autre part, la durée strictement annuelle de leurs fonctions les empêchait d'acquérir pour ces emplois la compétence nécessaire. Ils disparurent finalement face aux fonctionnaires impériaux, quand Hadrien les remplaça par deux curateurs recrutés parmi les affranchis.
À tête de chaque vicus Auguste place un collège de quatre membres, les vicomagistri, fonction collégiale et annuelle. Ils sont recrutés en général parmi les hommes libres de basse condition et, dans les mêmes conditions de domicile, parmi les affranchis impériaux. Ils sont nommés par l'empereur, représenté probablement par son délégué, le préfet de la Ville. Dans l'exercice de leurs fonctions, ils sont soumis à la juridiction des magistrats publics (préteurs, tribuns, édiles) chargés des diverses régions.
Les magistrats du vicus ont des fonctions religieuses et administratives; ces fonctions religieuses représentent l'essentiel de leurs attributions : toutes les inscriptions que l'on possède relativement à leur rôle concernent des dédicaces et des restaurations de chapelles, ou la célébration de fêtes religieuses (en particulier celles qui sont liées au sanctuaire des Lares et du Génie de l'empereur).
Les fonctions administratives sont restreintes mais réelles : ils ont des pouvoirs de police, maintiennent la paix publique dans leur quartier, collaborent, avec le préfet des vigiles, au service de la police nocturne, exercent un contrôle sur le commerce local et représentent officiellement leur quartier auprès des autorités supérieures.
L'ère des vicomagistri commence le 1ier août 7 avant J.-C., date de la réorganisation administrative de la ville par Auguste. C'est à cette date, désormais, que les vicomagistri entrent en charge.
Figure 2 : Le cursum honorum sous l'Empire
Consuls (Pouvoir suprême)
Dès Tibère, les consuls sont nommés par le Sénat, qui est aux mains de l'empereur. Au IIIeme siècle, ils sont nommés directement par l'empereur. Ils ne sont plus en exercice que 2 ou 4 mois (consules ordinarii); des «suffects» (suffecti) achèvent l'année. Malgré les restrictions apportées à la fonction, le consulat exerce un certain prestige. Il y a aura des consuls jusqu'au temps de Justinien (527-565).
Préteurs (Justice)
Leur nombre varie sous l'Empire. L'empereur intervient indirectement puis directement dans leur nomination. Leur pouvoir a beaucoup diminué depuis la République, mais on leur confie des tâches très spécialisées (préteur chargé des affaires de succession, des litiges entre le trésor et les particuliers, etc.). Cette magistrature continue d'être recherchée car elle permet d'obtenir le d'une province.
Édiles (Ville)
Ils sont de plus en plus dénués d'autorité sous l'Empire. Ils disparaissent avec Sévère Alexandre.
Questeurs (Finances)
Sous l'Empire, ils n'ont plus la gérance du Trésor, qui est confiée à des préteurs ou à des préfets. Leur rôle est réparti comme suit : deux questeurs sont au service de l'Empereur comme secrétaire (quaestores principis), duex ont la garde des archives (quaestores urbani), quatre sont secrétaires des consuls (quaestores consulum). Enfin, les douze autres accompagnent les gouverneurs de provinces avec le titre de quaestor pro praetore.
À Rome comme dans l'ensemble du monde romain, l'administration traditionnelle reposait sur le Sénat et les magistrats élus; cette organisation s'efface progressivement devant l'autorité impériale et les nouveaux pouvoirs qu'elle crée. Dès Auguste, anciens et nouveaux pouvoirs se trouvent en concurrence, situation qui trouvera son terme, au Bas-Empire, dans l'effondrement des premiers et la constitution définitive d'une administration urbaine impériale unitaire.
Ce sont Auguste, puis Claude, Septime Sévère, Aurélien et Dioclétien qui dotent la ville de ses organes urbains. La transformation porte à la fois sur le caractère même de la capitale et sur les réalités de l'administration urbaine. Rome devient la ville impériale, l'Urbs sacra. L'appellation, courante dès le règne d'Hadrien, devient officielle avec Septime Sévère.
L'empereur met progressivement la main sur les services urbains (par exemple, le droit de concéder de l'eau, privilège sénatorial sous la République, devient une prérogative impériale), et les fonctionnaires impériaux étendent peu à peu leurs pouvoirs au détriment des prérogatives détenues par le personnel impérial.
Cette conquête se fait à la fois par le haut (extension des pouvoirs des préfets, notamment du préfet de la Ville et du préfet des vigiles), et par le bas (création, à côté des titulaires sénatoriaux, se fonctionnaires impériaux subalternes, qui attirent à eux la réalité de la fonction). Cela s'effectue aux dépens des anciennes magistratures et des organes administratifs sénatoriaux.
Un premier élément de coordination résulte de la présence à la tête de l'État d'un organe nouveau, l'empereur, supérieur aux magistratures traditionnelles et capable d'imposer sa volonté. Au cours des trois premiers siècles de l'Empire, la hiérarchisation va s'opérer graduellement au profit du premier des fonctionnaires urbains, le préfet de la Ville. Lui sont subordonnés progressivement la préfecture de l'annone (milieu du IIeme siècle après J.-C.), la préfecture des vigiles (même époque), le service des édifices publics (effectif sous Septime Sévère), ainsi que les autres services (eaux, Tibre, égouts) et les organes locaux à des dates indéterminées.
Cette évolution générale des organes urbains sous l'Empire s'accompagne de la disparition des charges collégiales remplacées par des fonctions individuelles et par la création de fonctionnaires nouveaux (pour l'état-civil, l'annone, les édifices publics).
Le préfet de la Ville, véritable chef de l'administration municipale, administre la ville. Le Sénat l'assiste dans sa tâche et possède, à ce point de vue, un certain nombre d'attributions précises. Les principales se rapportent à l'état-civil, aux archives, aux finances et à l'enseignement; il joue aussi un rôle important en matière de tutelle. Cependant, il n'est qu'un collaborateur, le pouvoir effectif appartenant au préfet de la Ville.
Figure 3 : Les services de la Ville
Police
Préfet de la Ville
Préfet du prétoire
Incendie
Préfet des Vigiles
Alimentation
Préfet de l'annone
Édifices publics
Curatelle
Curateurs sénatoriaux
Routes
Curatelle
Curateurs sénatoriaux pour les routes principales, curateurs équestres pour les routes secondaires.
Rues et voies publiques
Édiles
Hadrien (117-138) les remplace par des curateurs affranchis.
Eaux
Curatelle
Curateurs sénatoriaux
Tibre et égouts
Curatelle
Curateurs sénatoriaux; procurateurs équestres au IIeme siècle.
Bibliothèques
Procuratelle
Affranchi; ordre équestre depuis Antonin (138-161).
Les services urbains se sont révélés insuffisants pendant la République; diverses causes, parmi lesquelles la collégialité, l'annualité, la non-compétence, l'absence de hiérarchisation, expliquent cette carence chronique. L'Empire va en éliminer progressivement les causes les plus flagrantes, au cours d'une longue évolution qui ne prend fin qu'au Bas-Empire. En voici les grandes lignes :
Les services cessent d'être collégiaux. La police, les incendies et l'alimentation relèvent respectivement des préfets de la Ville, des vigiles et de l'annone. De leur côté, les curatelles (eaux, voies publiques, édifices, Tibre et égouts) sont composées de plusieurs titulaires, mais leur président est le directeur réel du service, les autres membres n'étant que ses assesseurs.
Les services cessent d'être annuels, et deviennent permanents, cas aussi bien des préfectures que des curatelles, la durée des fonctions dépendant uniquement de l'autorité impériale qui en désigne les titulaires.
Les services perdent tout caractère politique pour s'organiser au point de vue de la compétence. Les fonctions urbaines impériales de nouvelle création n'ont plus de caractère politique; quant aux magistratures qui continuent de compter un peu au point de vue urbain (l'édilité et les IV viri viis in urbe purgandis, elles sont des magistratures inférieures, au point de vue politique traditionnel.
Cependant, cela ne suffit pas à donner aux titulaires des grands services urbains la technicité et la spécialisation indispensables; le même manque de technicité se retrouve à tous les échelons administratifs, civils comme militaires.
La marche à la compétence se réalise en deux étapes : les titulaires sont tout d'abord maintenus durablement en place, moyen efficace de leur faire apprendre leur métier; d'autre part, à côté du curateur, chef de service, est nommé un procurateur, spécialiste et adjoint technique (cela commence avec le service des eaux sous Claude et sera progressivement élargi aux autres curatelles).
La ville de Rome n'a aucune autonomie financière sous le Haut-Empire. Les deux grandes caisses de l'époque impériale, l'aerarium (trésor du Sénat) et le Fiscus (trésor de l'empereur) sont des caisses d'État. Dès la fin du Iier siècle après J.-C. cependant, il existe des recettes d'ordre, sinon exclusivement, du moins essentiellement municipal : la taxe des eaux et l'octroi.
Elle se limite à la vente de l'eau tombante (aqua caduca), la concession de l'eau par des conduites, faveur impériale, ne donnant pas lieu à rétribution. Le fameux procès des foulons (226-244) entre les fullones fontani et l'administration aura pour base le paiement de sommes dues au titre de la taxe des eaux que l'administration veut faire rentrer et que les bénéficiaires refusent de payer. La taxe des eaux servait à payer la familia publica. Elle donnait lieu à un cadastre minutieux.
La taxe sur les eaux était l'unique recette de l'aerarium, son unique dépense étant la familia publica.
Caligula est le premier à frapper d'un impôt les objets de consommation courante. Devant les vives résistances de la population, il ne tarda pas à être aboli. Vespasien le rétablit, mais en changeant les modes de perception, pour le rendre plus facile à percevoir et plus productif. Cet impôt est alors transformé en droit d'octroi sous le nom d'ansarium. Une ligne d'octroi aux limites de la ville des XIV Régions en assure la perception.
Il existait sans doute à Rome un autre impôt, le foricularium, sorte de droit de patente portant sur les boutiques (foricae). Vespasien ou l'un de ses successeurs le maintint en le transformant; il fut perçu dès lors aux limites de la ville comme l'ansarium.
L'ansarium ne frappe que les marchandises destinées à la vente et non celles que les marchands ou les voyageurs pourraient introduire pour leur usage personnel. L'octroi à Rome était affermé à une société dont les membres portaient le nom de mancipes.
C'est dès le début de l'Empire que l'aerarium sénatorial commence à perdre ses recettes générales pour finir par n'être que la caisse municipale de Rome. Les règnes d'Aurélien et de Dioclétien constitueront l'étape décisive à cet égard. Depuis Aurélien, la caisse municipale est définitivement organisée avec son budget fixe de dépenses et de recettes, ces dernières composées de deux chapitres : revenus urbains divers et contributions de l'Égypte. Elle n'a plus rien d'une caisse d'État au Bas-Empire.
Jusqu'au premier siècle de la République, les archives urbaines, qui étaient en même temps les archives de l'État, se trouvaient dispersées dans Rome dans les fonds des différents services. Au début du Iier siècle avant J.-C., un double changement se produit : les archives sont réunies dans un seul fonds, et un édifice nouveau, le Tabularium, situé à l'extrémité nord-ouest du Forum, est construit pour les recevoir.
Mais l'existence de de dépôt central d'archives n'exclut pas, par la suite, la présence à Rome de collections secondaires. Nous en connaissons quelques unes. L'un de ces dépôts, une salle de la Bibliothèque du Forum de la Paix, mérite une attention particulière. Cet édifice contenait, au moins depuis Vespasien, l'ensemble des archives de la préfecture urbaine, les plans cadastraux et une série de documents concernant les travaux édilitaires réalisés notamment sous Vespasien et Septime Sévère, à la suite des deux grands incendies de 64 et de 191 après J.-C. Il avait par conséquent la même importance pour les archives urbaines que le tabularium pour les archives de l'État.
D'autre part, sur la paroi septentrionale, vers le Forum de la Paix, se trouvait fixé le célèbre plan de marbre de la ville, nouvelle édition complétée et mise à jour du plan d'Agrippa, exécuté en 73, et détruit lors du grand incendie de 191. Sous Septime Sévère, entre 203 et 211, ce premier plan disparu fut remplacé par un autre plan gravé pour la circonstance. Il couvrait une superficie supérieure à 300 m² et représentait, à l'échelle d'environ 1/250, l'ensemble de la ville, les régions périphériques étant seules exclues.
Outre ces deux dépôts fondamentaux d'archives, Rome offrait un certain nombre d'autres centres officiels de documentation, le portique de Vipsania Polla, au Champ de Mars, et les archives des grands services autres que la préfecture de la Ville (préfectures des vigiles et de l'annone, commissions des eaux, des édifices publics, du lit et des rives du Tibre et égouts, de la voirie de banlieue).
Cependant, malgré l'esprit de précision et de méthode qui présidait à l'administration romaine, tout n'allait pas pour le mieux dans les archives des grands services urbains. Frontin nous montre, et il insiste sur le fait, que pour les quantités d'eau fournies par les aqueducs, les chiffres officiels des archives et les réalités étaient loin de correspondre.
À défaut de renseignements circonstanciés sur le personnel du service des archives à Rome, nous avons l'analogie des archives provinciales. Le personnel est majoritairement composé d'affranchis et d'esclaves.
L'état-civil à Rome repose sur deux éléments essentiels : les données du cens quinquennal, et la déclaration régulière des naissances et des décès. Depuis le début de l'Empire, le cens relève de l'autorité impériale; procèdent à cette opération Auguste en 8 avant J.-C., Auguste et Tibère en 14 après J.-C., Claude en 47, Vespasien en 73. Domitien prend le titre de censeur perpétuel; lui et ses successeurs en exercent désormais à titre permanent les fonctions.
Les fonctions censoriales qui n'avaient pas fait l'objet d'une organisation spéciale furent attribuées à un bureau impérial, officium censuale. Sous la République et pendant tout le premier siècle de l'Empire, c'est le cens qui, pour la ville de Rome, demeure la base de l'état-civil. En cas de difficultés à cet égard, les données officielles du cens dont foi. Mais ce système présentait un grave inconvénient : l'indication de l'âge reposait uniquement sur la déclaration, aucune pièce justificative de la naissance n'était exigée, et par conséquent aucun contrôle n'était possible. Si une déclaration semblait invraisemblable, on consultait simplement les déclarations des cens antérieurs.
L'établissement d'une déclaration régulière des naissances et des décès à Rome remontait selon la tradition à la dynastie des rois étrusques et plus particulièrement à Servius Tullius. Il semble que ce service officiel des naissances, dont le centre était le Temple de Junon Lucina, se soit maintenu sous la République.
L'existence d'une statistique officielle des naissances dans la ville de Rome est attestée pour les deux premiers siècles de l'Empire. Elle a sa place dans le Journal officiel de Rome, les Acta Urbis. Celles-ci donnent le total des naissances par sexe. Il s'agit d'une statistique officielle communiquée par les autorités publiques. Vers le milieu du Iier siècle avant J.-C., il existait déjà à Rome un service de déclaration des naissances; le chiffre des naissances y était établi par jour et par sexe. Le centre de ce service devait probablement être, comme pour l'époque des rois étrusques, le Trésor du Temple de Junon Lucina.
Des renseignements plus précis sont cependant nécessaires sous l'Empire. Les lois sociales d'Auguste assurent des avantages aux pères de familles nombreuses; il faut donc prouver l'existence d'un mariage régulier. Il se produit d'autre part de nouveaux affranchissements : les classes se mêlent à Rome et il importe de préciser le statut des personnes. Il importe donc de dresser, pour tout l'Empire, une documentation fixe permettant d'établir avec certitude et sans contestation possible l'origine et l'âge des intéressés. Une mesure d'ordre général est prise par Marc-Aurèle, applicable, avec des modalités diverses, à Rome et aux provinces.
À Rome, l'enseignement primaire, secondaire et supérieur n'est pas affaire d'État. Jusqu'à la fin du Iier siècle après J.-C., la capitale n'a ni écoles ni enseignement public. À la fin du siècle cependant, l'enseignement public fait son apparition à Rome. Quintilien entre autres fut appointé par le Trésor pour dispenser son enseignement. Dans cette chaire officielle, il aura pendant une vingtaine d'années pour étudiants toute la jeunesse distinguée de Rome, parmi laquelle Pline le Jeune.
Sévère Alexandre Sévère Alexandre développe le système et son apport est double : il crée de nouvelles catégories de professeurs et leur fournit des auditoires et rétribuant des enfants pauvres de condition libre. C'est cependant sous le Bas-Empire que l'enseignement recevra une véritable organisation, avec l'Université romaine du Capitole.
L'enseignement public naît donc tardivement à Rome. Limité à l'enseignement supérieur, il restera d'ailleurs toujours partiel. Au contraire, dès le début de l'Empire, les bibliothèques urbaines apparaissent comme un service public géré par un personnel d'État. Auguste, qui a créé les deux bibliothèques du Temple d'Apollon, sur le Palatin, et du Portique d'Octavie, sur le Champ de Mars, en confie la direction à des savants.
Depuis Claude, l'ensemble des services des bibliothèques, dans la ville de Rome, est centralisé sous la direction d'un procurateur, le procurateur des bibliothèques, un affranchi. L'importance de l'emploi s'accroît avec la création de la bibliothèque Ulpia, sous Trajan. Depuis Antonin, la procuratelle des bibliothèques est régulièrement attribuée à un chevalier, pour lequel elle n'est toutefois q'une fonction de début.
Dans chaque bibliothèque, il y a des fonctionnaires chargés de gérer sa caisse et, pour l'ensemble des bibliothèques, un procurateur général est affecté à la gestion de la caisse commune. Les bibliothèques disposaient d'un personnel d'affranchis et d'esclaves impériaux spécialisés pour chacune des deux sections grecque et latine.
Il n'y a pas de musées proprement dits, mais des édifices qui en tiennent lieu : temples, portiques, théâtres, palais, villas, thermes ou bibliothèques. Ces bâtiments ont des gardiens (aeditui), à la fois concierges et guides autorisés, qui ont la double charge de surveiller les collections et de les montrer aux visiteurs. Leur recrutement est très varié et diffère selon l'importance de l'édifice auquel ils sont préposés. Ceux des temples les plus importants (comme le temple de la Concorde) sont des citoyens romains. D'autres sont des affranchis, d'autres de simples esclaves, publics ou impériaux.
Le rôle des gardiens était complexe : ils avaient la surveillance des édifices avec la garde des collections et des richesses variées qu'ils contenaient, et la charge générale de l'entretien. C'était eux qui ouvraient l'édifice le matin, le fermaient le soir, pourvoyaient au nettoyage, aidés souvent d'un personnel subalterne d'affranchis et d'esclaves.
Leur caractère particulier, en raison des collections artistiques dont ils avaient la garde, a valu à certains de ces gardiens un statut légal spécial. On établit en principe la responsabilité personnelle des gardiens et, pour la rendre plus efficace, on leur fit verser caution. La fréquence des vols, en dépit des précautions prises, obligea l'État à prendre des mesures plus radicales encore : on n'hésita pas, le cas échéant, notamment pour les oeuvres du temple de Jupiter Capitolin et des Saepta Julia, à rendre les gardiens responsables, sous peine de mort, des objets confiés à leur surveillance.